237, rue du Faubourg Saint-Honoré. Ce n’est pas un code secret, ni l’adresse d’un musée confidentiel : c’est le point d’ancrage d’une maison qui n’a jamais renoncé à bousculer les règles établies. Fondée en 1889, Lanvin détient le titre de plus ancienne maison de couture française encore en activité. Sa créatrice, Jeanne Lanvin, n’a jamais suivi les conventions imposées par la haute couture parisienne du début du XXe siècle.
Alors que d’autres s’enferment dans la tradition, Jeanne Lanvin trace sa propre route. Créations audacieuses, vision personnelle du vêtement féminin, la maison ne tarde pas à franchir les frontières de la mode. Elle investit la parfumerie, la décoration, les accessoires, dessinant ainsi les contours d’un empire qui résiste, décennie après décennie, aux soubresauts du secteur.
Jeanne Lanvin, une pionnière de la mode française
Paris, 1867. Jeanne Lanvin n’est pas née dans le faste. Issue d’un foyer modeste, elle débute comme modiste, patiemment, accumulant savoir-faire et rigueur. En 1889, elle ouvre sa première boutique. À une époque où la place des femmes créatrices reste rare, elle s’impose par la force de son style.
L’arrivée de sa fille Marguerite, en 1897, change tout. Plus qu’une muse, Marguerite devient un moteur. Jeanne Lanvin imagine alors ces tenues mère-fille, raffinées et modernes, qui séduisent une clientèle bien au-delà des frontières françaises. Les modèles conçus pour Marguerite, remplis de délicatesse et d’attention, attirent vite les regards d’une clientèle internationale en quête de distinction.
Marguerite, plus tard connue sous le nom de Marie-Blanche de Polignac, prend une place grandissante dans l’histoire de la maison. Les créations de Jeanne Lanvin se font plus fluides, plus libres, rompant avec la rigueur de l’époque. La rivalité affichée avec Coco Chanel ne fait qu’amplifier la singularité de Lanvin, laboratoire d’idées où l’audace et les liens familiaux tiennent lieu de manifeste.
Quelques repères pour saisir la portée de cette trajectoire :
- Jeanne Lanvin : une figure qui cumule les rôles de créatrice, entrepreneuse et mère.
- La maison de couture parisienne s’impose comme modèle d’indépendance et d’innovation.
- Marguerite, muse inspiratrice, laisse une empreinte indélébile sur l’histoire de la marque.
Comment la Maison Lanvin a-t-elle forgé son identité unique ?
Sur le Faubourg Saint-Honoré, Lanvin bâtit ses fondations. Cette adresse, loin d’être un simple emplacement, symbolise la rencontre entre héritage et création. Dès le départ, la maison refuse de s’enfermer dans un seul domaine : elle conçoit des collections pour femmes, hommes, enfants, mais s’investit aussi dans la décoration, le parfum, le sport. Cette diversité traduit une vision du style qui dépasse largement la sphère vestimentaire.
L’identité de Lanvin s’exprime d’abord par ses couleurs. Le bleu Lanvin, inspiré par les fresques de Fra Angelico, devient une marque de fabrique à la fois subtile et puissante. À ses côtés, le rose Polignac, clin d’œil à Marguerite, et le vert Velasquez, témoignent de cette quête d’harmonie si particulière. Ces teintes ne sont jamais de simples effets de mode ; elles incarnent l’émotion et l’authenticité au cœur de chaque création.
L’innovation se glisse dans chaque détail. Première à rejoindre la Chambre Syndicale de la Haute Couture, Lanvin revendique indépendance et engagement social. Dans les ateliers, la valorisation de l’artisanat et des arts décoratifs s’affirme, fusionnant habilement tradition et modernité. Cette identité, façonnée par Jeanne et ses successeurs, irrigue chaque collection et chaque objet, du vêtement au parfum.
Les créations emblématiques qui ont marqué l’histoire de Lanvin
Dès les années 1920, Jeanne Lanvin impose sa patte. La fameuse robe de style, avec sa jupe ample et sa taille basse, tranche avec les silhouettes androgynes du moment. Tulle, satin, broderies et perles témoignent d’une recherche esthétique sans compromis, fruit d’un dialogue constant entre Jeanne, les artisans et les artistes avec qui elle collabore.
Dans l’univers du parfum, le lancement d’Arpège en 1927 marque un tournant. Créé pour célébrer les trente ans de Marguerite, Arpège incarne l’esprit de la maison. Son flacon noir et or, dessiné par Armand-Albert Rateau, et son logo stylisé par Paul Iribe, une mère et sa fille en ombre portée, deviennent des symboles de transmission et d’attachement. Ici, le parfum ne se contente pas de séduire : il affirme une vision intemporelle et une exigence formelle.
Lanvin multiplie aussi les collaborations artistiques. Rateau, décorateur et designer, insuffle une modernité nouvelle à l’univers de la maison, du mobilier aux flacons. La création, chez Lanvin, se joue à la croisée de la haute couture, des arts décoratifs et de la parfumerie. C’est de cette alchimie que naît un patrimoine unique, enrichi à chaque étape par l’attention portée au moindre détail.
L’héritage vivant de Jeanne Lanvin dans la mode contemporaine
La maison Lanvin incarne aujourd’hui la rare continuité d’une institution qui a traversé les décennies sans jamais renier sa personnalité. Après la disparition de Jeanne Lanvin en 1946, l’esprit de la fondatrice continue d’imprégner chaque collection. Marguerite, d’abord à la tête de la maison, passe le relais à une succession de directeurs artistiques, chacun laissant sa marque, sans jamais effacer l’empreinte originelle.
L’arrivée d’Alber Elbaz en 2001 marque un retour remarqué à l’esprit fondateur. Sous sa direction, Lanvin retrouve le raffinement des coupes, la justesse du détail, la modernité alliée au respect du patrimoine. Les robes de style, la fluidité des tissus, les couleurs emblématiques, bleu Lanvin, rose Polignac, vert Velasquez, font à nouveau parler d’eux sur la scène internationale. Elbaz redonne à la maison visibilité et désirabilité, salué tant par la presse que par les connaisseurs.
Après Elbaz, la direction artistique change de mains à plusieurs reprises :
- Lucas Ossendrijver
- Cristina Ortiz
- Claude Montana
- Bouchra Jarrar
- Olivier Lapidus
- Bruno Sialelli
Chacun de ces créateurs compose avec l’histoire de Jeanne Lanvin. La maison se renouvelle, mais puise sans cesse dans son ADN : une idée de la mode qui conjugue création, transmission et art de vivre.
Lanvin, plus ancienne maison de couture parisienne encore debout, continue d’écrire son histoire. Sa capacité à traverser les tempêtes, à se réinventer sans renier ses racines, à rassembler derrière ses différents directeurs artistiques, témoigne d’un héritage qui respire encore, vibrant de la force d’un nom qu’on n’ose jamais effacer du paysage de la mode.
